LETTONE (LITTÉRATURE)

LETTONE (LITTÉRATURE)
LETTONE (LITTÉRATURE)

Après une exubérante floraison de chants populaires, la domination allemande qui s’étend sur la Lettonie au XIIIe siècle, la conversion et la germanisation des habitants empêchèrent l’évolution normale de la littérature à partir de ce tuf initial. Il s’ensuivit que la littérature lettone ultérieure, qui demeura pratiquement orale jusqu’au XIXe siècle, apparaît comme une tentative de pallier cette rupture et de rétablir une continuité avec les traditions et le folklore qui étaient ceux des premiers Lettons.

Au XIXe siècle, le «réveil national» suscita des œuvres qui, tout en s’inspirant des sources populaires anciennes, abordèrent des thèmes nouveaux. Après 1850, les écrivains, issus bien souvent des campagnes, s’attachèrent, principalement dans le conte et dans le roman, à décrire la paysannerie: réalisme rustique où l’exigence morale du luthéranisme dominait. Dans les deux dernières décennies, fidèle au réveil national, l’intelligentsia lettone opposa une vive résistance à la russification du pays entreprise par Alexandre III. Si les changements accélérés que connaissait la société orientèrent alors beaucoup d’auteurs vers un naturalisme puisé aux écoles française et russe, expression même de leur adhésion aux idées nouvelles du socialisme, d’autres, cependant, davantage poètes, se faisaient les promoteurs de mouvements impressionnistes et symbolistes.

De cette polyphonie littéraire naquit une génération d’écrivains qui régnèrent dans les lettres à partir de l’indépendance, en 1918. Après la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre d’auteurs émigrèrent et inaugurèrent en exil une nouvelle source de création lettone.

Des origines au réveil national

La poésie lettone est très ancienne et très riche en chants populaires (daïnos). K. Barons a publié (1900-1915) 35 789 chants et 182 000 variantes; P. Šmits porta ce nombre à 60 000 avec quelque 100 000 variantes. Vers 1965, l’Institut du folklore letton, à Riga, avait recensé environ 900 000 chants de base et variantes inédits.

La littérature écrite n’a fait son apparition que tard, encouragée par le clergé allemand. Le premier livre imprimé connu est le Catechismus catholicorum (1585). Du XVIIe siècle, il faut citer les psaumes tout à fait remarquables de C. Fuereccerus, qui introduisit certaines conventions métriques dans la poésie écrite lettone, les sermons de G. Mancelius, un maître de la prose, les œuvres de J. Reiters, qui traduisit des textes religieux, et de E. Glück, le traducteur de la Bible (1685-1689).

La littérature profane ne commence qu’au XVIIIe siècle, avec le pasteur et écrivain G. F. Stender (1714-1796), qui fut doyen de l’Église luthérienne et ardent défenseur des Lumières.

Au milieu du XIXe siècle, à la période du réveil national, les Lettons prennent eux-mêmes la direction du domaine littéraire. Dziesmi ぜas (1856), recueil de vers de J. Alun ns (1832-1864), marque le début de la poésie moderne lettone. Désormais, la poésie populaire devint la source de l’inspiration littéraire, comme dans les poèmes de Mikelis Auseklis (pseudonyme de M. Krogzems, 1850-1879) et dans L face="EU Caron" カpl 勒sis (1888, Tueur d’ours ), poème épique de Andrejs Pumpurs (1841-1902), dont le héros est le symbole du Letton luttant pour la liberté. Le premier grand roman, M 勒rnieku laiki (1879, Au temps des arpenteurs ), des frères Reinis et Matiss Kaudz 稜tes, décrit de façon réaliste la vie des paysans lettons.

Le plus célèbre écrivain du réveil national fut J. Raïnis (Janis Pliekš ns, 1865-1929), qui avait pour principe: «vieux chants sur de nouveaux airs», les «vieux chants» étant l’imagerie des anciennes légendes et des traditions populaires, et les «airs nouveaux» les problèmes de la vie moderne. La plus profonde des pièces de celui qu’on a appelé le Goethe letton, J zeps un vi ぜa br いi (1919, Joseph et ses frères ), a un thème biblique. Le plus remarquable recueil de ses œuvres lyriques est Gals un S kums (1903, Résonances lointaines du soir bleu ). Sa femme, Aspazija (Elsa Rozenberga, 1868-1943), une ardente féministe, faisait passer dans ses écrits lyriques et dans ses pièces la véhémence de son tempérament.

Dans les années 1890, la littérature lettone donna naissance à des tendances diverses et souvent contradictoires qui, dans d’autres pays européens, avaient mis des décennies à se développer. Ainsi, au «nouveau mouvement» qui se réclamait du réalisme et voulait une littérature aux prises avec des problèmes sociaux s’opposaient les idées d’un «nouveau romantisme» introduites par Janis Poruks (1871-1911) dont toute l’œuvre est dominée par le désir, typiquement letton, de clarté morale. De son côté, Rudolfs Blaumanis (1863-1908) écrivait des pièces réalistes et des nouvelles traitant de la vie paysanne. Au tournant du siècle, un groupe de poètes, les décadents ou symbolistes, professèrent l’art pour l’art. Leur expérience la plus bouleversante fut la révolution de 1905, quand les Lettons essayèrent de secouer le joug de la Russie impérialiste et de se libérer de la tutelle allemande. Le lyrisme prit alors la première place. Avec le grand poète K rlis Skalbe (1879-1945) qui, dans ses vers et dans ses contes de fées, cherche la beauté dans les petites choses et la vertu chez les humbles, ce monde éthique de la poésie populaire reprend vie.

La moisson du XXe siècle

Cette fermentation engendra une pléiade d’écrivains qui s’imposèrent après l’indépendance, en 1918: Janis Akuraters (1876-1937), qui, influencé par Nietzsche, peint des héros romantiques, des prototypes aristocratiques à l’idéal esthétique, et qui le plus souvent se décrit lui-même (ses vers sont de style improvisé mais d’expression puissante; Andrejs Upïtis (1877-1970), qui, s’inspirant du naturalisme français et russe, fustige dans ses romans la bourgeoisie et l’intelligentsia et idéalise la classe ouvrière, sans parvenir toutefois à donner un portrait vivant de l’homme soviétique idéal (il obtint le prix Staline en 1951); Edvarts Virza (E. Lieknis, 1883-1940), dont l’œuvre, placée sous le signe de la poésie française, est écrite en vers strictement classiques (son poème en prose, Straum 勒ni [1933], est un chant à la gloire de la ferme patriarcale); J. Jaunsudrabi ぜš (1877-1962), chez qui l’émotion lyrique a été disciplinée et dont la meilleure œuvre est un roman historique, la trilogie Aija , Atbalss , Ziema (1920-1925, Aija , L’Écho , L’Hiver ).

La Première Guerre mondiale a fourni des sujets à de nombreuses œuvres littéraires: le roman de K rlis Štr ls (né en 1880), Karš (deux parties, 1922-1927), Kv 勒loš lok (1922) d’Anna Brigadere (1861-1933) et Dv 勒selu putenis (1932-1934), d’Alexandre Gr 稜ns (né en 1895). Les nouvelles de Janis Ezerinš (1891-1924) sont écrites dans la manière des nouvellistes français et évoquent l’atmosphère d’après-guerre; celles de K rlis Zarinš (né en 1887) sont simples et de style dépouillé. J. Veselis (1896-1962), dans ses romans et dans ses légendes, essaie de créer une harmonie entre l’esprit de son époque et le monde de la poésie populaire lettone.

Mais les Lettons, tout comme les écrivains des autres littératures, parvenaient difficilement à une vue d’ensemble du monde du XXe siècle; aussi se tournèrent-ils plutôt vers le détail psychologique. Les nouvelles de M. Bendrupe (né en 1910) montrent une certaine influence freudienne. Erik damsons (1907-1946), formé à la littérature anglaise, a peint les névroses de l’homme moderne, tandis que Anšlavs Egl 稜tis (né en 1906), romancier satirique, prenait plaisir à caricaturer et à exagérer les travers des hommes, et que M. Z 稜verts (né en 1903), le meilleur dramaturge moderne en Lettonie, élaborait une forme très particulière de longues pièces en un acte culminant dans un «grand monologue», comme dans sa tragédie historique, Vara (1944). Chef de file de la poésie moderne, Janis Medenis (1903-1961) tenta d’inventer de nouvelles mesures rythmiques à partir de celles des chants populaires. À l’opposé, V. Str 勒lerte (né en 1912) écrit en vers classiques, tandis que Z. Lazda (Z. Šreibere, 1902-1957) et Andrejs Egl 稜tis (né en 1912) restent fidèles à la tradition des chants populaires. Alexandre face="EU Caron" アaks (A. face="EU Caron" アadarainis, 1902-1950) a créé, sous l’influence de Maïakovski notamment, de nouvelles possibilités dans la poésie lettone, se servant du vers libre et d’images poétiques outrées pour décrire l’atmosphère des faubourgs. Son œuvre maîtresse est un cycle de ballades, M face="EU Caron" ゼ 稜bas sk rtie (1938, Touchés par l’éternité ), qui célèbrent la lutte des fusiliers lettons de la Première Guerre mondiale et l’effervescence révolutionnaire qui lui a succédé.

Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux écrivains ont émigré, fondant ainsi de nouveaux foyers de littérature lettone en dehors du pays. En exil, une nouvelle génération de poètes s’engagea dans la voie ouverte par face="EU Caron" アaks; leur poésie est marquée par les idées existentialistes et utilise aussi les procédés surréalistes: on peut citer V. Sni ぃere, O. Stumbrs, G. Sali ぜš, L. Tauns. Au cours des années 1960, certains écrivains ont essayé, en Lettonie même, de résister à la monotonie du réalisme socialiste et ont suivi la nouvelle tradition lancée par face="EU Caron" アaks.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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